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Au Bon Beurre, roman par Jean Dutourd, académicien (I)

Nota Bene: Voici mon exercice de style hébdomadaire. (I have decided to write up this great novel in French. The English translation is out of print and copies are very expensive. Ergo: pourquoi pas? If you think I'm showing off, you're crazy. I'm simply offering up my feeble efforts in the hope of receiving helpful criticism. I'm so anxious to have it, in fact, that I'm asking for it in English.)

Roman de Jean Dutourd, Au Bon Beurre raconte l’histoire de la famille Poissonard, crémiers crapuleux au XVIIe arrondissement de Paris, pendant l’Occupation de Paris par les allemands. Au début de cet époque si triste pour la France, Julie Poissonard (qui « fleurait toujours le Brie-Coulommiers ») prévoit qu’on va voir des disettes et des rationnements, donc elle commence à ramasser des stocks immenses. Un peu plus tard, Charles-Hubert Poissonard, qui ne se trouvait pas d’accord au début, recourt à l’adultération du beurre, du lait, et même des fromages. Les Poissonard deviennent de plus en plus riche. Sous l’Occupation, ils n’en ont rien à se plaindre.

Mari et femme, les deux crémiers sont d’origine un peu près paysanne, et ils en manifestent la mentalité. Sans éducation mais astucieux comme le diable, les Poissonard ont perfectionné une façon de se parler tout à fait hypocrite. On ment comme on respire, tout en se traîtant de saint et de patriote. En plus, leurs intelligences harmonisent à merveille.

Trois salamandres, farcies d’un superbe anthracite, dû à la complaisance du bougnat, que l’on couvrait de beurre et de laitage en échange, produisaient une chaleur tropicale. Il est intéressant de noter au passage que le bougnat, célibataire de cinquante ans, consommait, grâce à cet arrangement, de lait de trois enfants et les « matières grasses » de six adultes.

M et Mme Poissonard, comme les âmes d’élite, ou plus simplement peut-être comme des gens qui, ayant vécu longtemps ensemble, on fini par accorder le rythme de leurs pensées et de leur préoccupations, se comprenaient à demi-mot et même sans parler du tout. Pendant les cinq minutes de silence qui suivirent le dernier propos de Julie, leurs deux esprits avaient si bien marché au même pas que lorsque le crémier dit :

- Faudra voir à lui trouver du Saint-Nectaire…

La crémière, sans qu’il fût besoin d’éclaircissements, répliqua :

- Surtout qu’il va avoir du boulet.

(On voit dans le passage le style un peu baroque mais espiègle de Jean Dutourd.)

En parallèle, nous suivons l’histoire de Léon Lécuyer, fils d’une cliente de la crémerie. Echappé d’un prison poméranien, Léon se dirige vers Paris, via un détour très picaresque à Amsterdam. Réunie avec son fils, Mme Lécuyer manifeste tant de joie dans le quartier que Julie Poissonard devine la vérité. Mue par une haine provisoire, elle dénonce, en gardant l’anonymat, Léon à la Gestapo. Une fois encore, toutefois, le jeune homme s’échappe, par les toits. Après un nuit d’amour avec une jolie bonne dans sa chambre au grenier, Léon prends la direction de Lyon.

L’empire Poissonard s’accroît. On embauche une jeune fille plutôt pauvre, Josette, qu’on condamne à la vie de Cendrillon. D’une mine défaite, Josette souffre en silence. Affamée, elle vole un morceau de fromage, mais la fille Poissonard la regarde. Punie mais pas donnée congédiée, Josette grandit un peu et quitter les Poissonard de son plein gré. L’employée suivante, cependant, c’est une véritable traînée, Léonie, et c’est qu’elle qui impose les conditions au crémier. Léonie maîtrise la résistance Poissonard ; malheureusement pour eux, on a permis Léonie prendre part aux pratiques adultérines. Armée du pouvoir terrible du chantage, Léonie ne travaille que lorsque cela lui plaît. Un beau jour, un inspecteur venu de la Répression des Fraudes s’impose à la crémerie. C’est le cauchemar attendu. Mais les peurs de Poissonard ne sont pas totalement réalisé. Et en tout cas on vire Léonie.

Entre les époques des deux vendeuses, les Poissonard voyagent à Vichy pour le mois d’août. Ils se présentent au Maréchal Pétain dans une scène très amusante. L’humour du moment est amplifié par le rapport d’un article, écrit par René Benjamin (homme réel du régime de Vichy), dans lequel les petits incidents de la rencontre avec le Maréchal sont mythologisés à l’inénarrable. Mais devant tout cela, l’auteur nous donne un portrait très beau de Paris à l’aube d’été :

Passé le Rond-Point, les Champs-Élysées, envahis par la verdure, couverts d’arbres frissonnant sou la caresse de la brise estivale, étaient rendus à la nature. Paris était mort depuis plusieurs siècles et la végétation s’était emparée de lui. Le vieux Clemenceaux de bronze cheminait sur son rocher, semblait un monarque ancien condamné à errer parmi les décombres de son empire. On n’était plus en 1942, mais en 3000. Les Poissonard, innocents crémiers parisiens, figuraient les audacieux explorateurs de civilisations disparues, traînés par des coolies dan une jungle parsemée de vestiges antiques.

à suivre…

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